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RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". métalliques liés à l’origine à un élément composite. Leur identiication semble techniquement et morphologiquement cohérente sans pour autant être incontestable. nous pouvons citer la grande tige en fer de section carrée (ig. 50, n° 8), pouvant s’apparenter à une traverse de grill ou bien l’objet n° 12 (ig. 50) de forme discoïde, percé d’un trou au centre et brisé à sa base semblant correspondre à une attache de seau destinée à recevoir l’extrémité d’une anse. les clous sont représentés en grand nombre avec 59 individus (49,6 %), dont 22 lames réduites à de simples fragments (ig. 51). les 45 fragments indéterminés recensés (37,8 %) rassemblent 9 tôles informes (7,6 %), 19 amas ferreux de faible dimension (15,9 %) et 17 tiges de taille et de section variables (14,3 %). Certaines d’entre-elles peuvent éventuellement correspondre à des lames de clous, mais la détermination plus délicate d’après la seule section, nous a conduit à les inventorier dans ce registre. Enin, l’objet qui a retenu notre attention est un mors de bride (ig. 46). Son étude approfondie a été l’occasion de proposer une seconde hypothèse de positionnement en tant qu’embouchure. étude du mobilier métallique lE MOBiliEr MéTalliQUE (Vincent lEGrOS) le mobilier métallique du site de ronchères constitue un corpus de 119 objets et fragments d’objets exclusivement en fer. le poids total de ce lot est de 4,446 kg. Cette masse globale s’entend pour un ensemble non restauré (cf. annexe 4). Les objets fonctionnellement identiiés, hormis les clous, sont au nombre de 15 individus (12,6 %) parmi lesquels on note la présence d’un mors, d’un soc d’araire, d’une hache à douille, d’une gouge et d’une grande clé laconienne. Pour ce qui est des autres objets, il s’agit plutôt d’éléments ou de pièces 90 Le soc d’araire (ig. 50, n° 4) provenant du fossé se compose d’une douille semi-ouverte de section sub-ovale prolongée par une section rectangulaire épaisse s’efilant vers une extrémité brisée. Des socs d’araire comparables sont illustrés au sein du corpus du mobilier métallique du Deffroux (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 274, ig. 16, n° 1) et pour la phase gauloise des Genâts (ibid, p. 264, ig. 7, n° 1). Ils offrent des dimensions analogues (ø. douille : 3,6 cm et 3,6 cm ; L. : 13 cm et 12,6 cm). il s’agit de socs dont la morphologie étroite et courte de la partie travaillante était plus adaptée au traçage des sillons avant la mise en œuvre des plantations (ibid, p. 258) et permettait d’émietter la terre (nillESSE dans BErTranD et al. 2009, p. 50). la phase gallo-romaine des Genâts a également livré un soc d’araire (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 268, ig. 11, n° 1), plus court de 3 cm et doté d’une douille à base plus étirée. les outils inventoriés dans ce corpus se résument à la présence d’une hache (ig. 50, n° 2) et d’une gouge (ig. 50, n° 3). La hache, de faible dimension en longueur (9,6 cm), semble être brisée au niveau de la douille malgré la régularité de l’extrémité. La lecture visuelle ne permet pas de conirmer cette hypothèse à partir d’un objet non-restauré et d’une radiographie peu éloquente. Cette remarque s’impose cependant en raison de dimensions bien supérieures observées sur d’autres haches étudiées. RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". À Grand Paisilier (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 263, ig. 6, n° 2 et 3), les deux haches exhumées mesurent 12,6 et 12,4 cm. En revanche, leur douille est confectionnée différemment. Elles sont probablement forgées par repli des tôles en vis-à-vis autour du manche. Dans notre cas, la douille ouverte forme un « U » parfaitement régulier analogue à une hache issue de la phase gallo-romaine des Genâts (ibid, p. 268, ig. 11, n° 12) mais dont la longueur totale est bien supérieure (17,1 cm). Celle-ci est également dotée d’un percement sur l’extrémité de la douille ain de renforcer l’emmanchement par un clou. En comparaison, notre exemplaire offre un emmanchement fragile pour les diverses tâches auxquelles elle est destinée. De plus, si l’on considère le rapport longueur/largeur de la hache romaine des Genâts (17,1 x 6,2 cm), la hache de Ronchères qui dispose d’une partie travaillante à peine plus large (7,2 cm), devait certainement arborer une douille plus longue. O. nillesse indique toutefois que la longueur moyenne des haches romaines est variable entre 7,2 et 17,1 cm (nillESSE dans BErTranD et al. 2009, p. 47). Cette variation assez conséquente de leur taille peut éventuellement évoquer une adaptation des dimensions pour des usages précis. Toutefois, il n’y a pas d’intérêt de posséder un panel de haches lorsque la polyvalence fonctionnelle de ce type d’outil permet à la fois de couper les arbres, d’ébrancher, d’écorcer, de débiter du bois de chauffage… (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 259). L’objet n° 3 (ig. 50) est constitué d’une tôle en fer de forme sub-trapézoïdale à bords réguliers et de section en demi-cercle. l’une des extrémités est rectiligne, la seconde plus étroite est brisée et offre une section rectangulaire. il peut éventuellement s’agir d’une gouge dont il ne subsisterait que la partie travaillante. le diamètre de la section distale ne mesure que 1,9 cm. Cette dimension est généralement admise pour ce type d’outil (nillESSE dans BErTranD et al. 2009, p. 54, ig.c, n° 39). le corpus du mobilier métallique de ronchères est également composé de plusieurs tiges en fer de section carrée (0,9 cm) relativement longue. l’une d’entre-elle (ig. 50, n° 8) mesure 28,7 cm. Ce type d’élément peu être identiié comme traverse de grill. les sections des traverses observées sur d’autres grills sont généralement rectangulaires et moins massives (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 269, ig. 12, n° 9, 0,6 x 1 cm). La seconde hypothèse propose d’identiier cette tige comme un manche de pinces utilisées par les forgerons en métallurgie. Pouvant atteindre 24 cm, cette mesure a été observée sur un exemplaire du corpus du Deffroux (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 274, ig. 16, n° 5). De section carrée, son épaisseur est toutefois plus faible (0,6 cm). Une seconde tige un peu plus longue (34,5 cm), retrouvée dans le fossé d’enclos, offre une coniguration particulière. L’une de ses extrémités est brisée et dispose d’une section carrée de 0,7 cm. Celle-ci diminue en épaisseur de façon régulière sur toute la longueur (0,4 cm). la seconde extrémité est recourbée en angle droit prolongé par une portion de tôle qui s’évase vers une base brisée. l’interprétation fonctionnelle de cet objet reste indéterminée. La clé laconienne en fer (ig. 50, 10) provient de la section ouest du fossé de l’enclos. Elle est constituée d’un anneau confectionné à partir d’une lamelle recourbée terminée par un repli. Sa tige de section quadrangulaire est marquée par deux angles droits. Un exemplaire analogue igure dans le corpus du mobilier d’Hélouine dans le Maine-et-loire (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 271, ig. 14, n° 7). Le mors de bride de Ronchères (ig. 46) a été retrouvé brisé en six fragments lors de la fouille. C’est principalement sa radiographie qui a permis de l’identiier sous sa gangue ferreuse, par l’intermédiaire des œillets de la branche en association avec le canon à passage de langue ou « liberté de langue ». l’objet est archéologiquement complet si l’on considère, d’une part que la branche droite manquante constitue le pendant symétrique de la branche gauche conservée et, d’autre part, que les anneaux brisés de joug et d’attache des rênes présentent sufisamment de circonférence pour en connaître le diamètre. Ce mors est constitué d’un canon correspondant à la partie de l’embouchure qui se place dans la bouche du cheval et qui, dans le cas présent, forme un « U » dénommé passage de langue (5,75 x 5,2 cm). Cet élément est bordé de chaque côté d’un large anneau immobile (1 cm) de faible diamètre (2,15 cm) appelé olive qui vient se loger à la commissure des lèvres. lors de la tension des rênes, la zone entre l’olive et le passage de langue éprouve les barres, espace très sensible et dépourvu de dents, situé entre les incisives et les molaires de la mâchoire inférieure (ig. 47, 3). L’écartement entre les barres de la mandibule inférieure permet également de déterminer la largeur du canon (ig. 47, 3, 7,9 cm). Ce dernier est prolongé latéralement par une tige efilée repliée pour former un anneau circulaire permettant d’y enchâsser le disque terminal de la branche. On notera sur le mors de ronchères que l’enroulement des deux anneaux latéraux est asymétrique (ig. 46). La tige massive de section sub-rectangulaire correspond d’après léon Coutil (COUTil 1927, p. 188) à une barre sous-mentonnière se substituant à la gourmette. Cette barre est maintenue de part et d’autre par les branches et vient se positionner sous le menton du cheval. Sa section peut varier entre une forme circulaire (ig. 49, 4, 5, 7 et 8) et octogonale (ig. 49, 1 et 3). Elle comporte sur ses extrémités un percement transversal recevant un petit anneau dont la présence permet de solidariser la barre et la branche. Ce petit anneau visible sur les mors de Verna (ig. 49, 3), Léry (ig. 49, 4) et Saint-Romain (ig. 49, 5), suggère la possibilité d’y ixer une lanière sans pour autant être 91 RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". anneau de rênes branche gauche du mors gourmette ou canon œillets de réglage de la gourmette ou du canon anneau de joug canon à "liberté de langue" ou passage de langue Olive 0 6 cm Fig. 46 - Mors de bride de ronchères. en mesure de vériier cette hypothèse. La branche se compose de trois éléments fonctionnels. Sa partie médiane est aménagée de trois trous circulaires qui correspondent aux œillets de réglage de la barre sous-mentonnière. l’extrémité coudée est terminée par un disque percé. Ce dernier se positionne à la commissure des lèvres et reçoit l’anneau de joug dont le diamètre avoisine dans notre cas 3,8 cm. Enin, la seconde extrémité comporte également un élément discoïde percé qui supporte l’anneau de ixation des rênes. Ain d’orienter verticalement cet anneau parallèlement aux rênes, le disque a été forgé perpendiculairement au précédent, celui qui soutient le canon. Elle mesure 18,8 cm, ce qui constitue pour ce type de branches l’une des plus grandes longueurs mesurées. les exemplaires de Verna (PErrin & SCHönFElDEr 2003, p. 101 et 102, ig. 72 a, b et c) comportent des branches aux dimensions plus petites (15,2 ; 14 et 17,6 cm). il en est de même pour le mors de bride de Saintromain le Verger en Côte-d’Or (Bourgogne médiévale 1987, p. 177, n° 438) de Hod Hill dans le Dorset 92 (ManninG, plate 29, H21) de augsburg-Oberhausen (HüBEnEr 1973, tafel 17, n° 1 et 4), de léry dans l’Eure (Normandie 1990, n° 51) dont les branches atteignent respectivement 16, 8 cm, 15,6 cm, 14 cm et 12 cm. les travaux de l. Coutil (COUTil 1927) déinissent la position de ce mors de bride principalement à partir de l’exemplaire de Verna. il indique à juste titre que les mors qui ont une action sur les barres du cheval sont dits « abaisseurs » en fermant l’angle entre la tête et l’encolure. ils agissent par pression sur la langue et les barres. l’action du passage de langue est variable en fonction de sa taille. Plus le passage de langue est développé, moins la portance de la langue vient atténuer la pression sur les barres et plus le palais sera exposé à la pression du mors. l. Coutil indique également que ces mors à branche ne fonctionnent pas par rotation autour de l’axe formé par le canon, mais par l’intermédiaire de la gourmette substituée dans notre cas par un élément rigide qu’il dénomme barre de sous-mentonnière. ainsi, plus la branche est longue, plus l’action est RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". 1 2 0 12 cm anneau de rênes branche gauche du mors canon œillets de réglage du canon 3 anneau de joug passage de langue Olive 0 6 cm Fig. 47 - Mors de bride de ronchères en superposition sur une mandibule équine (clichés de Gaëtan JouAnin Archéozoologue - CRAVO - Collection du CRAVO). 93 RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". têtière Mors de bride 1 sous-gorge frontal montant muserolle branche du mors gourmette rigide ou barre sous-mentonnière 2 1 2 sous-mentonnière (1) gourmette (2) échelle 1/10 3 T[itus] FLAVIVS BASSVS MVCALAE / F[ilius] DANSALA EQ[ues] ALAE NORI / CORV[m] TVR[ma] FABIPVENTIS / AN[norum] XXXXVI STIP[endorium] XXVI H[eres] F[aciendum] C[vrauit] Römisch - Germanisches Museum, Cologne, Allemagne. Dessin de K.R. Dixon. 94 Fig. 48 - Hypothèses de positionnement du mors de bride de ronchères (squelette équin vectorisé par M. coutuReAu en collaboration avec V. FoReSt, INRAP- archeozoo.org). . RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". 8 Augsburg-Oberhausen (Bayern) 7 Augsburg-Oberhausen (Bayern) 2 Verna (Isère) 6 Hod Hill (Dorset) 3 Verna (Isère) 5 Saint-Romain le Verger (Côte-d'Or) 1 Verna (Isère) 9 Ronchères (Aisne) 4 0 12 cm Léry (Eure) Fig. 49 - Exemples de mors de bride du même type. 95 RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". 3 2 14 8 4 9 11 12 13 10 0 Fig. 50 - Mobilier métallique de ronchères (1/2). 96 6 cm RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". 17 18 39 16 45 40 51 32 44 61 62 57 58 63 59 60 53 56 0 3 cm Fig. 51 - Mobilier métallique de ronchères (2/2). forte par pression de la langue entre la liberté de langue et cette barre. Plus la gourmette sera serrée, plus son contact interviendra tôt lors de l’action du mors par tension des rênes. À l’inverse, une gourmette lâche en diminue l’eficacité. Nous pouvons alors imaginer que les trois possibilités de réglage évoquées sont probablement ajustées en fonction des différents contextes d’utilisation du cheval (guerre, déplacement, transport…). lorsque les rênes sont tirées dans l’axe des branches, le mors agit sur les barres et le passage de langue a tendance à pivoter vers le palais. C’est principalement la ixation des branches à la base de l’anneau solidaire du passage de langue qui permet cette rotation. Ce système rend souvent très sévère ce type de mors par pression sur le palais pouvant être accentuée par une tension des rênes vers le haut qui dans ce cas utilise la gourmette rigide comme levier. Cela a pour effet de jouer sur les brides du montant et de têtière augmentant l’action du mors abaisseur. Une seconde hypothèse de positionnement de ce mors de bride est envisageable par plusieurs observations qui viennent largement contester les travaux de l. Coutil. En premier lieu, il s’agit d’une reproduction d’une stèle funéraire sculptée de la in du Ier siècle de notre ère. On distingue un cavalier chevauchant une monture dotée d’un mors de bride. Ce dernier dispose d’une branche orientée vers le bas et perpendiculairement à l’axe de la tête de l’équidé. Cette coniguration propose pour notre mors la possibilité de placer la dite barre de sous-mentonnière dans la bouche du cheval pour faire ofice de canon. On remarque toutefois que la sculpture ne représente pas une branche aménagée d’une extrémité coudée, mais plutôt rectiligne à l’image d’une restitution de O.-H. Frey (FrEy 1984, p. 125, ig. 4). l’hypothèse de l. Coutil, largement reprise dans le cadre d’études plus récentes, propose une orientation de la branche dans l’axe des rênes. Dans ce cas, la présence d’une branche à extrémité coudée n’a pas d’utilité si l’on se réfère au schéma technique de O.-H. Frey (ibid.) sur lequel igure également une gourmette rigide. On peut également s’interroger sur l’intérêt de forger des branches aussi longues alors qu’un système moins complexe réduit à un mors à passage de langue et une gourmette semi-rigide épousant la mandibule n’aurait pas moins d’impact sur la conduite de la monture. Techniquement l’hypothèse de l. Coutil oblige le cavalier à lever les bras assez haut pour produire un effet de levier alors que l’hypothèse 2 (ig. 48-2) réduit considérablement le geste par une légère traction dont l’effet est immédiatement eficace. D’autre part, les avis vétérinaires et de cavaliers expérimentés indiquent que l’usage d’une barre sous-mentonnière au lieu d’une gourmette souple génère des blessures graves à l’animal et dans les cas extrêmes, peut porter atteinte à l’ossature mandibulaire. la superposition du mors de bride de ronchères sur une mandibule inférieure (ig. 47-3) révèle la possibilité d’engager la barre et le passage de langue dans la bouche du cheval. Cette mandibule provient d’un crâne d’équidé de taille moyenne mesurant 49 cm de la nuque aux incisives. Ces données craniométriques correspondent approximativement aux chevaux montés à l’époque augustéenne, légèrement plus grands que les 97 RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". montures laténiennes. la dimension des barres (8,6 cm) permet de recevoir les deux éléments de l’embouchure (mors et passage de langue) distants en mesure externe dans l’axe des barres de 6,2 cm. Dans ce cas, l’aménagement d’œillets latéraux sur les branches permet d’adapter le mors à la morphologie de la mâchoire et peut également s’ajuster sur d’autres équidés. la variation de l’écartement peut éventuellement jouer sur l’intensité du levier, mais cette supposition reste purement théorique. D’une manière générale, les deux éléments doivent reposer sur la langue pour ne pas être en contact permanent sur les barres qui sont, rappelons-le, très sensibles. D’autre part, lorsque le cheval possède un corps étranger dans sa bouche, il cherchera par tous les moyens à passer sa langue audessus. le passage de langue est disposé à plat contre celle-ci et couvre une surface assez importante. Elle est de 5 x 4,6 cm pour le mors de Ronchères. Ce dispositif permet d’une part de répartir la pression et d’autre part de contraindre la zone médiane du muscle en empêchant l’organe de se rétracter pour que l’extrémité de la langue ne puisse pas passer au-dessus du mors qui reposerait alors directement sur les barres. le passage de langue est articulé sur l’extrémité des branches, mais demeure en tension permanente par l’intermédiaire du harnais (têtière et montant). lorsque le cheval provoque une pression sur cet élément en forme de « U », l’axe de rotation situé à sa base fait pivoter l’élément vers le palais, ce qui produit une vive douleur chez l’animal, d’où cette forme douce en arc de cercle prévenant toute blessure sévère. En testant les premières fois ces effets, le cheval init par assimiler les conséquences de cette réaction. il est également nécessaire de préciser que le passage de langue n’est pas destiné à recevoir celle-ci dans l’espace interne du «U», comme cela a pu être écrit parfois. 98 Certains schémas techniques proposent d’ailleurs une restitution où la liberté de langue est en permanence orientée orthogonalement à la mandibule. Un fragment semblable issu de la phase romaine de l’occupation des Genâts a été identiié (GUillaUMET & nillESSE 2000, p. 269, ig. 12, n° 5). Sa forme combine à la fois la forme en « U » avec l’aspect général angulaire visible sur les exemplaires d’Augsburg-Oberhausen (ig. 49-7 et 8 - HüBEnEr 1973, tafel 17, n° 1 et 4). Ces derniers, plus tardifs, disposent d’un passage de langue plutôt en forme de « V » laissant ainsi moins de place pour recevoir la langue. Ces observations rendent cette hypothèse encore moins vraisemblable. De plus, la présence d’anneaux latéraux oblongs a probablement été interprétée comme une capacité accrue de l’articulation du passage de langue contre le palais. il faut plutôt lire dans la forme de ces anneaux allongés un dispositif plus eficace pour maintenir fermement le passage de langue bien à plat contre celle-ci. les expressions «passage de langue» et «liberté de langue» deviennent alors contradictoires avec la fonction proposée ci avant. Une autre restitution suggère sa localisation sous le menton avec le canon en bouche (Bourgogne Médiévale 1987, p. 177, n° 438). il faut noter que cette interprétation proposait la solution inverse et dans ce cas la barre sous-mentonnière de l. Coutil fait fonction de mors. Par ailleurs, sur l’hypothèse n° 2 (ig. 48-2), on peut supposer la présence d’une muserolle accompagnée d’une lanière sous-mentonnière. Elle impose ainsi au passage de langue une ixité par une légère tension sans pour autant compresser fortement ce point de contact de l’embouchure. l‘usage d’une gourmette souple peut également se justiier par l’existence d’anneaux de faible diamètre localisés sur les extrémités du canon outrepassant les œillets. Elle s’y rattacherait simplement pour empêcher le ballant des branches et le canon de heurter sans cesse les barres supérieures lorsque les rênes ne sont pas sous tension pendant la course. l’utilisation de ce type de mors de bride sur la stèle funéraire évoquée plus haut (ig. 48-3) semble s’associer à la cavalerie. Toutefois, on distingue sur la restitution proposée n° 2 (ig. 48-2) des branches plutôt orientées vers l’avant. Cette coniguration évoque un contexte d’usage différent. C’est principalement leur présence fréquente dans des tombes à char qui éveille notre attention (PErrin & SCHönFElDEr 2003, p. 106, tab. 7). La distance plus importante entre le cavalier conduisant un char et la(es) monture(s), implique la manipulation de longues rênes dont le temps de réactivité sur le mors est moins immédiat. l’allongement des branches offrant un fort effet de levier compense certainement cet éloignement. ainsi, leur orientation vers le bas se justiie en offrant un axe de tension des rênes le plus eficace. Ce mors de bride ne constitue pas un ensemble de quatre éléments métalliques igés les uns par rapport aux autres. On estime qu’un certain jeu dans ce dispositif permet de déformer légèrement le mors latéralement en tirant sur une seule rêne ce qui a pour effet de modiier la direction du cheval. l’usage d’un mors abaisseur pour la conduite d’un char semble également requis pour ralentir et stopper un dispositif dont la charge est sans doute plus importante en comparaison à un cavalier en selle. Un mors releveur aurait tendance à diminuer la ixité des appuis des jambes avant et de déplacer le centre de gravité du cheval vers l’arrière. D’après la position du mors de ronchères dans la stratigraphie du fossé d’enclos, il semble dater de la Tène D2 ou de la période augustéenne. les mors de bride de Verna sont datés de la Tène D1b (-100 à -80 av. notre ère) et celui de léry de la Tène C/D. les variations typo-morphologiques sont visibles avant tout au niveau des dimensions, mais également des extrémités des branches et de part et d’autre des œillets par la présence de petits ressauts (ig. 49-3). RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". Soc Mors Hache ? Clous ? ? ? Clé 0 25 m Objet fonctionnellement identifié Objet ou fragment indéterminé Fig. 52 - répartition spatiale du mobilier métallique de ronchères. On note également que les olives sont, dans certains cas, confectionnées à partir de plusieurs anneaux (ig. 49, 4) pouvant être striés transversalement (ig. 49, 3). Le mors de Ronchères, plus tardif, se rapproche plutôt de la typologie des mors de bride laténiens (C/D). les exemplaires romains (-50 à + 50 de notre ère) disposent de branches beaucoup plus ines et un passage de langue bien différent dans sa coniguration. l’enclos, qui comprend également la hache, suggère un rôle de remise agricole mais la présence du mors inciterait aussi à supposer une fonction d’écurie ; les deux n’étant pas incompatibles. la présence d’une clé laconienne en face de la concentration de trous de poteaux dans le quart nord-ouest est en accord avec la détermination d’une unité d’habitation. Cette coniguration a été relevée à de nombreuses reprises sur les sites laténiens de la moyenne vallée de l’Oise (Malrain et al. 2005). Répartition spatiale du mobilier Conclusion la cartographie des mobiliers métalliques, suit une logique qui a déjà été observée dans les autres répartitions spatiales (ig. 52). La concentration la plus importante est localisée en bordure du bâtiment qui a abrité une forge où ce sont davantage les clous qui prédominent. la relation entre cette quincaillerie et la forge n’est pas dûment établie. Peut être fait elle partie des fabrications ? le soc d’araire et le mors se trouvent en vis-à-vis d’un secteur qui n’a pas livré de plan de construction cohérent pour la période laténienne, mais où il devait exister une annexe sur poteaux en grande partie occultée lors de la mise en place des bâtiments gallo-romains. la nature du mobilier présent dans ce quart nord-est de le corpus du mobilier métallique de ronchères ne constitue pas un lot exceptionnel même si il est relativement bien fourni par rapport à d’autres sites étudiés dans la région. Les objets identiiés sont courants et bien documentés dans la bibliographie. En revanche la présence d’un mors de bride, élément généralement retrouvé en contextes funéraire ou cultuel, est relativement inédite dans le cadre d’un habitat. Ce dernier offre toutefois une structuration de l’espace relétant le caractère aristocratique de l’occupation. l’étude approfondie de cet objet a surtout été l’occasion de reconsidérer ses modalités de fonctionnement admises comme telles depuis 99 RAP - 2010, n° 1/2, François Malrain et al., Le site artisanal de La Tène inale et du gallo-romain de Ronchères (Aisne) "Le Bois de la Forge". longtemps. Cette démonstration vient renouveler notre vision pour cette période de la relation entre l’homme et sa monture témoignant d’une part, d’une excellente connaissance anatomique et d’autre part une adéquation technique et fonctionnelle pour adapter ce mors à des contextes d’usage précis. Cette hypothèse développée ci-avant est une proposition s’appuyant sur une analyse ine mais restant toutefois amendable. 101